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Les News

Février 2018

1/1 L’année climatique 2017

Bruno Voituriez

C’est le 30e anniversaire du protocole de Kyoto, premier accord international destiné à s’attaquer au réchauffement climatique, en demandant aux États de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de prendre des engagements pour ce faire.
Il a été adopté lors de la COP n°3 le 11 décembre 1997. COP signifie : Conference of Parties to United Nations Framework, Convention on Climate Change ( UNFCC ). Cette convention issue du sommet de la Terre de Rio de 1992 entre en action en 1994, et la première COP se réunit l’année suivante en 1995 à Berlin. En 1997, la COP 3 adopte le protocole de Kyoto. Les COP's se réunissent tous les ans depuis 1995. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade. Les COP’s s'en nourrissent.

La COP 21, dont on a beaucoup parlé, s’est tenue à Paris en 2015. La conférence de Paris connut au moins un succès : l'adoption d’un nouvel accord "Accord de Paris" pour succéder au protocole de Kyoto qui devait arriver à échéance en 2012. La COP 15 de Copenhague en 2009 devait préparer le nouveau protocole appelé à prendre la suite de celui de Kyoto. Ce fut un échec total. Les discussions reprirent à DOHA à la COP 18 de 2012 et finalement accord il y eut pour un nouveau traité à Paris en 2015. L’échec de Copenhague était formellement effacé. Quant au fond de ce nouveau traité et de ses objectifs à atteindre, on peut avoir des doutes. De tels accords entre 195 états ne peuvent s’obtenir sans concession et l’acceptation d’objectifs que l’on sait illusoires comme par exemple celui de ne pas dépasser 1.5°C d’augmentation ( voir news de février de 20I6 ) par rapport à l’époque préindustrielle…

Mais là n’est pas le sujet, et il est question de parler du climat de l’année 2017 et de sa position dans l’évolution du climat : une marche en plus ou une marche en moins ?

Courbe d'évolution de la température

Fig 1 : Évolution de la température depuis 1880

Selon la NASA et la NOAA qui ont présenté le 18 janvier 2018 le bilan climatique, 2017 fait partie des 3 (vraisemblablement 2) années les plus chaudes depuis 1880 avec une augmentation de 0.9°C par rapport à la moyenne 1951-1980 contre 0.99 pour 2016. À ce rythme là, où en seront nous en 2100 avec l’accroissement visé par le traité de Paris de 1.5°C par rapport à l’ère préindustrielle ? Depuis le protocole de Kyoto en 1997 il y 30 ans, la température a augmenté de 0.5°C et elle ne cesse de croître. Tout se passe comme si les trains politique et scientifique circulaient sur des voies divergentes en dépit du synchronisateur que le Giec devrait être pour les faire converger.

El Niño

Les trois dernières années successives 2015, 2016, 2017 furent donc les plus chaudes depuis 1880. Rien de surprenant à cela pour 2015 et 2016 puisqu’un puissant El Niño démarra fin 2015 ( fig 2 ) et couvrit toute l’année 2016 et que l’on sait que les années les plus chaudes correspondent à des El Niño puissants.

El  2015-2016

Fig 2 : L’indice océanique ENSO : l’année 2017 est dans le neutre, ni Niño, ni Niña

L’année 2017 détient donc un record : l’année la plus chaude sans EL Niño. Selon la NASA, globalement El Niño valut 0.04°C supplémentaires en 2015, 0.12°C pour 2016 et 0.00°C pour 2017. Fantaisie de celui que l’on appelle maintenant souvent dans la presse, selon l’ humeur, l’enfant terrible ou turbulent alors qu’à l’origine le phénomène doit son nom Niño a à l’enfant Jésus… ou changement de régime qui hisse le réchauffement global au niveau d’El Niño ? L’avenir le dira ! Car de nouvelles anomalies ou changements d’équilibre sont à attendre au fur et à mesure que la température augmente. Pour 2017, comme elle le fait toujours, la NOAA s’efforce de prévoir à un an l’évolution d’ENSO (El Niño Southern oscillation) et en discute. Le 8 janvier 2015 la NOAA concluait pour 2016 :

« In summary, there is an approximately 50-60% chance of weak El Niño conditions during the next two months, with ENSO-neutral favored thereafter »

Résultat, l’El Niño qui s’est développé en 2016 a été le plus important depuis celui de 1998 qui n’avait pas été prévu non plus, comme aucun autre d’ailleurs. La compréhension du climat et de son changement repose sur l'identification de grandes oscillations du système couplé Océan Atmosphère dont la plus célèbre est "l'EL Nino Southern Oscillation" (ENSO). On ne sait pas encore prévoir correctement leur évolution, ce qui est préoccupant, car réchauffement aidant, les oscillations type ENSO combinées à d’autres peuvent provoquer de nouvelles perturbations ( voir plus loin les glaces de l’Arctique ). Aux échelles régionales, l’année 2017 ( fig 3 ) ne montre pas de différences significatives avec l’année 2016 ( fig 1 ) du bilan de 2016.

Anomalie de température

Fig 3 : Anomalie de température 2017 par rapport à la période 1950-1951

Le contenu thermique de l’ océan

L’océan absorbe plus de 90 % de la chaleur en excès générée par l’augmentation de l’effet de serre ; sa température et son contenu thermique augmentent donc ( fig 4 ).

Contenu thermique de l'océan

Fig 4 : Évolution du contenu thermique des 2000 premiers mètres de l’océan depuis 1958

L’année 2017 représente un record depuis 1958. Elle dépasse l’année Niño 2016 qui la précède, de même que l'année 1999 affiche un contenu thermique de l’océan supérieur à celui de l’année Niño 1998. Cela peut surprendre alors qu’El Niño se caractérise par un très fort réchauffement de l’Océan Pacifique équatorial. Mais cet océan équatorial ne fait pas la totalité de l’océan, et dans les faits, il s’agit pour l’océan d’un transport d’eau chaude de l’ouest vers l’est du Pacifque équatorial. Cette redistribution de chaleur concerne l’ensemble du globe et sur la fig 5, on voit qu’à côté du réchauffement bien visible dans le Pacifique ( au niveau de l’équateur ), il y a de nombreuses zones de refroidissement susceptibles de capter plus de chaleur à l’issue d’El Niño.

Redistribution de chaleur du globe

Fig 5 : Anomalie de la température de surface en janvier 2016 ( Niño )

Une chose est certaine : au-delà de variabilités interannuelles, globalement l’océan et l’atmosphère ne cessent de se réchauffer. Pour en juger, les mesures sont essentielles. En décembre 2017, il y avait 3878 balises ARGOS opérationnelles. C’est 100 en moins qu’en janvier 2017.

Le Niveau de la mer

Il monte incontestablement au rythme assez régulier, au niveau global, de 3.32 mm/an. Comme à l’habitude, Niño 2015-2016 se marque par un maximum relatif du niveau de la mer qui n’affecte pas l’augmentation de 84.1 mm depuis le lancement du satellite altimétrique Topex/Poseidon en 1992 ( fig 6 ).

Niveau de la mer

Fig 6 : Évolution du niveau de la mer depuis le lancement du satellite Topex/Pseidon en 1992

L’Arctique

Comme à l’accoutumée, la banquise arctique a atteint son extension maximum en mars 2017, le 7 précisément, et son minimum en septembre 2017, le 13 ( fig 7 et 8 ).

Extension maximum de la banquise

Fig 7 : L’extension de la glace arctique à son maximum, le 7 mars 2017

Extension minimum de la banquise

Fig 8 : L’extension de la glace arctique à son minimum, le 13 septembre 2017

La valeur moyenne de mars fut de 14.43 millions de km2, soit 7.5 % de moins que la moyenne annuelle sur 1981- 2010. C’est la plus faible extension observée en mars. Avec 14.49 km2, 2015 n’était pas loin ( fig 9 ).

Banquise en 215

Fig 9 : Évolution dans l’hémisphère nord, en mars à son maximum de l’extension de la glace (anomalie par rapport à 1979/2017). Mars 2017 marque un record de réduction.

La glace atteignit son extension minimum le 13 septembre, 4.64 millions de km2. C’est la 8e extension minimum (mesures satellitaires selon NSIDC) ( fig 10 ).

Banquise. Huitième extension minimum

Fig 10 : Évolution dans l’hémisphère nord en septembre, à son minimum, de l’extension de la glace (anomalie par rapport à 1979/2017. L’année 2012 garde son record.

L’extension en mars, période du maximum, diminue de 2.7 % par décennie. L’extension de la glace est un indicateur important de l’évolution du climat, mais l’âge de la glace ( depuis l’année où elle s’est formée ) qui est corrélée à son épaisseur et donc à sa masse, est sans doute plus significative : moins il y a de glace plus rapidement elle fond. Sur la fig 11, on voit peu de différence entre 2016 et 2017, mais il est clair que la glace de 1re année ( l’année en cours qui fond quasi totalement ) est de plus en plus importante et représente 70 % de l’extension totale, alors que la glace de 5e année est passée de 30 % de la surface en 1984 à quelques pourcents en 2017. C’est manifestement sur l’Arctique que le réchauffement climatique, sur l’atmosphère et sur l’ océan, à son effet le plus marqué.

Arctique

Fig 11 : L’âge de la glace en mars dans l’Arctique. En haut, comparaison 2016/2017. En bas, évolution de 1984 à 2017.

L’Antarctique

L'Antarctique

Fig 12 : Évolution dans l’Antarctique de la glace à son maximum en Mars. La glace a repris sa décroissance.

Dans les années 2000/2010, la surface de la banquise antarctique avait curieusement une tendance à s’accroitre au moment de son extension maximum de septembre qui atteignit sa valeur la plus élevée en 2014 : 20.12 millions de km2. En 2015 et 2016, la décroissance reprit et l’extension de la banquise repassa sous la moyenne 1979/2010. En septembre 2017, elle fut de 18.3 millions de km2 soit 4.5 % sous la moyenne 1981-2010. Dans une news de 2015, on expliquait cet accroissement de la banquise de la manière suivante : le renforcement des vents d’ouest autour du continent induit un accroissement vers le nord du transport d’Ekman de la glace et des eaux froides de surface depuis le continent Antarctique, ce qui facilite la formation de glace. Les modifications induites par le changement climatique dans le champ de pression atmosphérique peuvent y avoir leur part, mais on suspecte surtout la diminution depuis la fin des années 1970 de l’ozone au-dessus de l’Antarctique, « le trou d’ozone », qui modifie de manière importante l’équilibre radiatif de la stratosphère. Dans les années à venir ce déficit d’ozone devrait se résorber, atténuant ce phénomène de refroidissement des eaux de surface et contribuant à une augmentation de l’effet de serre… Peut-être cette hypothèse est–elle validée par les trois dernières années…

Le gaz carbonique dans l’ atmosphère

Comme les autres paramètres, les teneurs de l’atmosphère en gaz carbonique, principal gaz à effet de serre, poursuit son évolution avec régularité ( fig 13 ), en respectant les cycles biologiques du monde vivant et sans faiblir. En 2016 et 2017, la teneur de l’atmosphère a toujours été au-delà de 400 ppm ( fig 13 ).

Courbe de Mauna Loa

Fig 13 : Évolution des teneurs en CO2 de l’atmosphère mesurées à l’observatoire de Mauna Loa

Le 27 janvier 2018, cette teneur était de 407.87 ppm. Et pourtant, il y eut une bouffée d’espoir, car les émissions diminuèrent légèrement en 2015 : 35.7 Gt de CO2 en 2015, contre 35.9 en 2014. Cela ne dura point, on était à 36.3 en 2016 et 36.4 en 2017… la croissance reprend ( fig 14 ).

Croissance du CO2

Fig 14 : Évolution des émissions de CO2 dont la croissance a repris après une timide tentative de diminution en 2015

Conclusion

On serait tenter de dire que l’évolution climatique suit son cours régulièrement et sans surprise au rythme des activités humaines, dans un système globalement stable. Le « globalement stable » est important. En effet, ce n’est pas au niveau global que se situent actuellement les difficultés mais bien dans l’accroissement local des évènements climatiques extrêmes et de leur intensité.
On a parlé du cyclone Irma le plus puissant dans l’Atlantique depuis 1980, qui a dévasté les Antilles (Saint Martin et Saint Barthelemy), en compagnie du cyclone José qui le suivait ainsi que la tempête Katia en septembre, du cyclone Maria en octobre à la Dominique, aux îles Vierges, Porto Rico.

Nombreuses et catastrophiques ont été les inondations. Il y a certes de tels évènements depuis toujours mais à ces échelles, ils présentent l’inconvénient d’être quasiment imprévisibles. Ils restent néanmoins dans un système stable de climat que nous connaissons, mais qui pourrait ne pas durer. Un exemple en a été donné en 2017-18 qui a bien fait rire M. Trump, confronté début janvier 2018 à une vague de froid au nord des USA et aussi au Canada alors que l’on cherche à le convaincre de la réalité du réchauffement climatique qui ne le préoccupe pas. Il s’agit en quelque sorte de la désintégration du Vortex Polaire (qui fera bientôt sur ce site l’objet d’une communication importante). Le pôle Nord est une zone de basse pression autour de laquelle des vents très violents tournent dans le sens contraire des aiguilles d’une montre dans la haute atmosphère et la stratosphère. Dans les conditions normales le vortex bien formé autour du pôle contient bien l’air froid et l’empêche de descendre vers les plus basses latitudes ( fig 15 ).

Vortex polaire, novembre 2013

Fig 15 : Le vortex polaire bien établi en novembre 2013 sur le pôle. Zone de basse pression autour duquel tourne le vent qui confine le plus grand froid.

S'il y a réchauffement, le vortex se disloque et l’air froid peut s’échapper jusqu’à des latitudes tempérées. Ce qui est arrivé fin 2017/début 2018 et en 2013/14 ( fig 16 ).

Vortex polaire éclaté en morceau

Fig 16 : Le vortex polaire de basse pression éclaté en plusieurs morceaux qui libèrent l’air froid qui peut ainsi descendre vers les latitudes moyennes.

La disparition de la banquise et le réchauffement de l’Arctique auquel EL Niño n’est pas étranger favorise cette dislocation, et il n’est pas exclus qu’à terme et peut-être brutalement les circulations atmosphérique et stratosphérique soient durablement perturbées perdant toute stabilité, préalable peut-être à un véritablement changement de système climatique.