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Les News

Janvier 2016

1/1 Après la COP 21 - Bruno Voituriez.

La 21ème Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques qui s’est tenue à Paris du 30 novembre au 12 décembre a débouché sur un accord que l’on peut qualifier d’historique, puisqu’il efface l’échec de la COP 15 de Copenhague en 2009 dont l’objectif était de définir un nouvel accord pour prendre la suite du protocole de Kyoto (COP 3 de 1997) qui arrivait à échéance en 2012. Lors de la COP 18 à Doha en 2012, il fut décidé de prolonger le protocole de Kyoto jusqu’en 2020 et de préparer un nouvel accord pour lui succéder. C’était l’objectif de la COP 21 et il fut atteint puisqu’accord il y eut.

C’est un succès important puisque l’accord a reçu l’approbation des représentants des 195 Etats présents dont les USA, (qui a l’époque de Kyoto était le plus grand producteur de CO2,) et de l’Australie qui n’avaient pas ratifié le protocole de Kyoto et aussi du Canada qui s’en était retiré. Une dynamique est ainsi créée qui ne sera sans doute pas remise en cause au moment de la signature effective par les États car, à la différence du protocole de Kyoto, il n’est contraignant que sur la méthodologie de mise en œuvre de l’accord et pas sur les objectifs chiffrés de réduction des gaz à effet de serre ou de financement des mesures d’atténuation et d’adaptation des pays en voie de développement par les pays développés.

Réduction des Gaz à effet de serre.

Plutôt que d’imposer des taux de réduction comme c’était le cas pour le protocole de Kyoto, il a été demandé à chaque État de présenter son plan de réduction pour faire une analyse de la somme de ces contributions et en tirer des conclusions, pour l’action, par rapport à l’objectif affiché de limiter à 2°C en 2100 l’augmentation moyenne de la température de la Terre par rapport à l’ère dite préindustrielle (1880). Cent quatre vingt sept Etats ont rendu leur copie, («INDC» Intended Nationally Determined Contributions), ce qui correspond à 97% des émissions mondiales de 2011. C’est en soi un succès car cela montre que la quasi-totalité des États a pris conscience du problème et est déterminée à agir. Néanmoins la COP a aussi pris acte, avec inquiétude, qu’en l’état, avec ces contributions, on était assez loin du compte pour maintenir l’accroissement de la température moyenne de la Terre en-dessous de 2°C (le minimum d’augmentation serait 2,7°C en l’état des contributions annoncées). C’eut pu être une butée conduisant à l’échec. Heureusement la diplomatie profitant de la participation volontaire de la quasi-totalité des états a su faire preuve de souplesse et, en l’occurrence, on peut dire que la COP 21 a su être pragmatique en adoptant la méthode expérimentale.

Il est demandé aux parties de communiquer d’ici 2020 une nouvelle contribution et de le faire ensuite tous les cinq ans. Le Groupe de travail spécial de l’Accord de Paris, (qui succède à celui de Durban mis en place à la COP 17 de 2011 pour préparer le nouvel accord), a été créé pour analyser ces contributions et en tirer les conclusions aux Conférence des Parties. Ainsi, pas à pas (rapides), pourra être faite la confrontation entre la décroissance mesurée des émissions des gaz à effet de serre, la prévision de leur évolution, l’évolution prévisible du climat et son observation.

La COP 21 va même plus loin : pour répondre à la demande des États Insulaires particulièrement exposés, la conférence :

«Invite le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat à présenter un rapport spécial en 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre». Sachant que depuis l’ère préindustrielle la température a déjà augmenté de près de près de 1°C, c’est évidemment peu crédible mais ainsi va la diplomatie : en échange les États Insulaires acceptent qu’au titre des pertes et préjudices «l’Accord ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation».

Adaptation et financement

Le changement climatique, ou plutôt les changements climatiques (car chaque région de la Terre aura son «changement propre») auront bien lieu et il faudra nécessairement s’y adapter. Les Pays en voie de développement qui ont le besoin impératif de continuer à se développer pour réduire la pauvreté sont souvent les plus exposés. Il est donc nécessaire qu’ils aient le soutien des pays développés : soutien technologique pour leur développement en réduisant au maximum les émissions de gaz à effet de serre et soutien financier.

Le point crucial est évidemment financier. Il avait été décidé lors des COP 15 et 16 de créer pour ce faire un fond de 100 milliards de dollars par an à l’échéance 2020. Là encore, il y a un écart entre les «promesses» et la réalité. La date retenue par l’accord pour atteindre ces 100 milliards par an est 2025, mais il s’agit là maintenant d’un plancher : ce fond devra augmenter ensuite pour tenir compte des besoins et des priorités des pays en développement. Ici encore pas de contraintes imposées, mais une évaluation permanente par les comités ad hoc mis en place dans le cadre de la CCNUCC.

Pertes et préjudices

C’est un élément récent soulevé par les pays les plus vulnérables au changement climatique, pour que les conséquences du changement climatiques sur la durée, comme l’élévation du niveau de la mer et les évènements météorologiques extrêmes(inondations, cyclones), soient pris en compte. La question était au programme de la COP 18 de Doha en 2012. À la COP 19 de Varsovie en 2013 the “Warsaw International Mechanism for Loss and Damage associated with Climate Change Impacts“ a été créé et son programme fut fixé à la COP suivante de Lima en 2014. On l’a vu précédemment,«l’Accord [de Paris] ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation». Néanmoins le «Mécanisme international de Varsovie» est maintenu et son Comité exécutif est chargé d’élaborer des recommandations relatives à des démarches intégrées propres à prévenir et réduire les déplacements de populations liés aux effets néfastes des changements et à y faire face.

Conclusion

Nombreux sont ceux qui ont manifesté une certaine déception face aux résultats de cette COP 21 qui effectivement ne débouche pas sur des plans concrets, chiffrés et contraignants. Ils redoutent ainsi un avenir climatique catastrophique du fait d’un possible dépassement des fatidiques 2°C. Rappelons que l’affichage 2°C est une construction politique issue de l’échec de la COP de Copenhague (News 2015 club des Argonautes). La démarche pragmatique adoptée par l’Accord de Paris est saine car elle tire les leçons du passé : le semi-échec du protocole de Kyoto et l’échec de la COP de Copenhague qui visait à donner une suite à ce protocole.

Une nouvelle dynamique est enclenchée, confortée par la prise de conscience par 195 Etats dont les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la réalité du changement climatique et des difficultés auxquels ils exposent l’humanité.

Dans le journal «Le Monde» des 10-11 janvier 2016, Nicolas Hulot perplexe s’interroge à propos de la COP 21 : «l’avenir dira si c’est le début d’une extraordinaire ambition ou d’une ultime mystification».

On peut parier sur le premier terme de l’alternative. La présence de nombreuses entreprises à la COP 21, que certains écologistes militants ont vue d’un œil méfiant, va dans ce sens car elles ont compris que l’avenir et leur intérêt passent par la «décarbonation» de l’énergie et le développement de technologies et énergies nouvelles. C’est le cas notamment des entreprises pétrolières qui n’ont d’ailleurs plus le choix comme le montre le procès intenté aux USA à EXXON qui, pourtant convaincue dès le début des années 1980 de la réalité du changement climatique, a pendant trente ans financé parlementaires et divers lobbys, incluant même des scientifiques pour contester la réalité du phénomène. Les fonds de pension qui sont tenus de faire le maximum de bénéfices sont aussi sur la brèche. Si cette orientation de l’intérêt bien compris se confirme, l’avenir sera peut-être plus souriant que certains qui désespèrent de la sagesse de l’homme ne le prévoient. En tout état de cause, comme l’affirme le Club des Argonautes, il est temps d’agir.