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Yves Dandonneau 

La théorie du complot des données de la NASA et le soleil froid.

Par Stefan Rahmstorf

(traduit depuis le site de Real Climate)

Lorsque les climatosceptiques sont désespérés parce que les mesures sont en désaccord avec leurs affirmations, certains d'entre eux choisissent une ultime option : ils tentent de nier et de discréditer les données.

Les années 2014 et 2015 ont établi de nouveaux records de température globale, et 2016 a fait de même . Certains n'aiment pas cela parce que c'est en désaccord avec leur message politique, et ils essaient de jeter le doute sur les observations de température à la surface globe. Leur cible favorite est les corrections qui sont apportées lorsque ces observations sont régulièrement examinées et améliorées par l'apport de données nouvelles et l'élimination d'effets indésirables qui sont décelés, dus par exemple à des changements dans les modes opératoires des mesures ou l'effet d’îlot de chaleur urbain. Un article sur le blog de Victor Venema de l'Université de Bonn, un expert reconnu sur l’homogénéisation des données climatiques, aborde cette question de manière plus complète. Et il y a bien sûr le récent article de Hausfather et al, qui a fait la une récemment, qui explique avec quelle méticulosité les scientifiques travaillent pour éliminer les biais dans les données de température de surface de la mer, qui, dans le cas présent, résultent d'un changement dans la proportion d'observations à partir de navires ou à partir de bouées.

Afin d'illustrer les manigances des soi-disant sceptiques concernant le climat, prenons par exemple le graphique ci dessous, qui a été largement diffusé sur les sites climatosceptiques. Il montre parfaitement deux des astuces favorites des climatosceptiques: le tri et les effets graphiques trompeurs.

Fig. 1 Chronique des révisions de deux valeurs mensuelles des températures globales de la base GIS TEMP de la NASA en janvier 1910 et janvier 2000 (Source: WUWT)

En regardant les flèches noires, n'avez vous pas l'impression que la différence de température de 0,71 °C est principalement due aux ajustements ? Ceci parce que la flèche de droite est trois fois plus longue que celle de gauche ? Il n'en est rien –voyez vous le stratagème ? Sur l'axe vertical, il manque 0,3 °C au milieu ! En fait, l'ajustement est de 0,26 °C seulement. Bien sûr, c'est tout de même beaucoup –et c'est pour cela que cet exemple a été choisi. Janvier 1910 qui est montré est le mois qui a subi la deuxième plus forte correction à la baisse, manifestement choisi pour cela parmi les 1643 mois de la série de données.

Pour ce qui est des valeurs moyennes annuelles, et particulièrement les températures depuis la Deuxième Guerre Mondiale, les corrections sont très petites, comme le montre le graphique ci-dessous :

Fig. 2 Chronique des révisions des données de température globales de la NASA (ndt : GISTEMP).Là aussi, on peut voir que c'est en 1910 que la correction a eu l'effet le plus fort. (Source: Goddard Institute for Space Studies)

Ce graphique est sans doute familier pour tous ceux qui utilisent les données de la NASA, car on le trouve dans les notes sur les données sur le site de la NASA (c'est même un site interactif). Incidemment, Gavin a déjà déminé cette représentation trompeuse qu'on voit Fig. 1 en mars dernier sur Twitter. Quiconque vous montre cette figure sans expliquer en même temps tout ce qui est montré en Fig. 2 est en train d'essayer de vous tromper.

Une des manoeuvres préférées des climatosceptiques consiste à suggérer que la NASA a délibérément ajusté les températures à la hausse pour donner plus d'ampleur au réchauffement global. Cela relève de la théorie du complot, puisque l'effet final de ces ajustements est de réduire le réchauffement global. C'est ce que montre la prochaine figure. Si les climatologistes voulaient vraiment exagérer le réchauffement global, ils montreraient les données brutes, non corrigées !

Fig. 3 Comparaison entre les données de température globales de la NASA, les données brutes non corrigées (bleu clair) et deux jeux de données de température globale élaborés par d'autres institutions. (Source: Goddard Institute for Space Studies).

Ce n'est pas étonnant de trouver ces théories du complot sur WUWT, le blog sectaire de Anthony Watt, un site sur lequel les amateurs en science du climat présentent des points de vue stupéfiants en résonance avec leurs conceptions, du genre : «L'accroissement du CO2 n'est pas dû à la combustion des hydrocarbures fossiles, mais aux insectes!», ou bien «le réchauffement global est causé par le réacteur nucléaire du noyau terrestre !» «Le réchauffement de l'Antarctique vient de “la chaleur dégagée par des petits ilots de peuplement humain” qu'il y a là !» «La Calotte glaciaire du Groenland ne peut pas avoir plus de 650 ans !» (C'est évident – sinon, comment les Vikings y auraient ils fait croître leurs troupeaux ?)

Une prévision de refroidissement ratée

L'affirmation qu'il ne faut pas faire confiance aux données de la NASA a refait surface une fois de plus sur le blog WUWT après que nous ayons comparé ces données à une prévision de refroidissement formulée par deux climatosceptiques allemands, et cette comparaison n'était pas du tout en faveur de leur prévision. Fritz Vahrenholt et Sebastian Lüning, tous deux anciens employés de RWE, le premier émetteur européen de CO2, avaient émis cette prévision d'un refroidissement imminent dans leur ouvrage “Die kalte Sonne” (Le Soleil froid) publié en 2012, dans lequel cette prévision est montrée en utilisant une moyenne mobile sur 23 mois des données de température de surface HadCRUT (ndt : températures moyennes globales produites par le Hadley Center en Angleterre).

Donc, s'ils n'apprécient pas qu'on ait comparé leur prévision aux données GISTEMP de la NASA, faisons le avec les données HadCRUT.

Fig. 4 La prévision du «Soleil froid» de Vahrenholt et Lüning comparée aux températures globales de surface du British Meteorological Service (données HadCRUT), en moyenne mobile de 23 mois jusqu'à la fin octobre 2016. Graphique: Prof. Stefan Rahmstorf, Creative Commons BY-SA 4.0.

Hum. Ce n'est pas très convaincant pour la prévision du Soleil-froid. Alors, pour défendre leur prévision sur le blog WUWT, Vahrenholt et Lüning ont appliqué trois stratagèmes de façon à réduire l'écart entre les données et leur prévision.

  1. Ils ne prennent plus une moyenne mobile sur 23 mois, mais 37. Ceci réduit le réchauffement observé depuis 2011 (la date de leur prévision) jusqu'à la fin de la série de données de 0.34 à 0.22 °C.
  2. Ils ne considèrent plus les températures de surface, mais les données acquises par les satellites pour la troposphère (données RSS). Il y aurait beaucoup à dire des problèmes que posent ces données – mais nous laisserons cela au scientifique responsable des données RSS, Carl Mears, qui explique dans une video pourquoi les données de surface sont plus précises. Cependant, quoi qu'il en soit, ce sont seulement les données de surface qui nous concernent, nous humains. Il se trouve que nous vivons à la surface de la Terre, et pas dans des ballons à haute altitude. Si Vahrenholt et Lüning sont soudain passés des données de surface de leur livre à des données troposphériques moins précises et plutôt hors sujet n'a qu'une seule raison : ceci rend leur prévision moins erronée. Spécifiquement, le réchauffement observé après 2011 s'y réduit de 0.22 à 0.13 °C.
  3. Dans leur nouveau graphique, la courbe prédite ne part pas du niveau des données mesurées en 2011, mais a été décalée vers le haut – de telle sorte qu'au bout du compte, les dernières données ne tombent pas aussi loin de l'intervalle de prévision.

Toutefois, en dépit de ces trois modifications par rapport au graphique de la première prévision du «Soleil froid», Vahrenholt et Lüning ne parviennent pas à empêcher la courbe des températures observées de dépasser leur intervalle de prévision. Ils essaient d'en minimiser l'effet avec l'argument que la valeur atteinte le dernier mois revient juste à la marge supérieure de l'intervalle de prévision – ce qui est cependant hors sujet puisque cette prévision ne concerne pas un mois particulier parmi d'autres, qui sont forcément très dispersés. Le deuxième point à lui seul – le simple passage de données de surface à des données satellite – n'est pas non plus d'une grande aide, amenant seulement une réduction de 0.34 à 0.30 °C. On peut se dire que c'est aussi pour cette raison que Vahrenholt et Lüning ont étendu la longueur de la période de lissage de deux à trois ans. Mais acceptons ces moyennes sur une période plus longue comme un choix légitime, puisque la prévision concerne l'évolution du climat à moyen terme, et non pas les fluctuations à court terme, ces dernières pouvant être effacées par le lissage plus long.L'emploi d'une période de trois ans au lieu de seulement deux écarte mieux l'effet de El Niño. Avec ce lissage sur 37 mois, la comparaison devient :

Fig. 5 Comparaison de la prévision du « Soleil froid » de Vahrenholt et Lüning avec les températures globales de surface du British Meteorological Service (données HadCRUT), moyenne mobile sur 37 mois. Graphique : Prof. Stefan Rahmstorf, Creative Commons BY-SA 4.0.

Ceci met clairement en défaut la prévision de refroidissement de Vahrenholt et Lüning.

Conclusion

J'ai discuté ici cet exemple en détail parce qu'il illustre les méthodes de ceux qu'on appelle les «climato-sceptiques». Des gens comme Vahrenholt et Lüning pensent qu'un quidam ne remarquera pas leurs divers subterfuges. Un non-spécialiste peut en fin de compte très difficilement les déceler, à moins d'étudier à fond les données disponibles et la littérature scientifique. Cependant, la prise en compte de quelques critères de bon sens peut donner à ce quidam une indication claire du manque de crédibilité : cela vient d'un site web «climato-sceptique», il n'y a pas d'institut de recherche ni de climatologiste professionnel derrière ces affirmations, et il n'y a pas de publication dans une revue avec comité scientifique de lecture dans cette prévision de refroidissement. Au contraire, elle s'adresse directement au public non spécialisé. Finalement, les auteurs sont liés au business de l'énergie fossile.

Tout comme dans le journalisme professionnel, il y a plusieurs niveaux d'assurance de qualité dans la science professionnelle. Des études et une formation longues, qui impliquent des méthodes et de l'éthique (comme la recherche de la vérité et le questionnement permanent de ses propres hypothèses). Les standards de la bonne pratique scientifique (des manquements tels que la falsification de données, peuvent valoir à un scientifique son poste et ses plans pour le futur). La réputation, atout majeur du scientifique et de son institut de recherche, qui est rapidement perdue en cas de fausse affirmation. La revue par des pairs, c'est à dire l'évaluation critique des publications scientifiques (et même des institutions) par des tiers indépendants (le plus souvent rivaux). Et en dernier, mais pas le moindre, la culture du débat ouvert, contradictoire, qui est très vif par exemple lors des conférences, qui aura tôt fait d'identifier les problèmes ou les fautes. Personne n'est infaillible, et les scientifiques de profession font parfois des erreurs. Pour cette raison, on ne doit pas nécessairement croire chaque affirmation d'un scientifique, ni même chaque article d'une revue à comité de lecture. Il vaut mieux se forger son opinion d'après la vision d'ensemble. Ce n'est pas pour rien qu'à intervalles de quelques années, des centaines de spécialistes du climat du monde entier, volontairement et gratuitement, s'attaquent à la tâche immense de reprendre toute la littérature scientifique, d'en débattre, et de résumer l'état des connaissances dans les rapports du GIEC. Il y a depuis longtemps un très fort consensus sur les principes de base du réchauffement global. Quiconque en trouverait des contre-évidences sérieuses, défendables, deviendrait rapidement célèbre – une place serait garantie dans les tout meilleurs journaux, Nature, Science où PNAS. La probabilité de tomber sur une trouvaille majeure en consultant un site web à sensation non spécialiste comme WUWT est infiniment plus faible que celle d'y être tout simplement berné.

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