De : Jean-Paul GUINARD
Date : 03/22/06 20:22:30
Sujet : "Retours économiques" pour un service opérationnel de prévisions climat-océans
Nous avons beaucoup discuté, lors de la réunion du 21 Mars, de la question du retour économique (en monnaie sonnante) des développements de type Mercator et de leur exploitation « opérationnelle » pour constater « qu’il n’y a pas de marché » actuellement pour un éventuel « service d’intérêt général
»,– au contraire de ce qui est maintenant avéré pour le service de la météo.
RZ pensait qu’on aboutirait – dans un avenir proche mais incertain – à constater l’existence d’un marché pour ce(s) service(s).
Or, je joins une info du Monde du 21 Mars qui semble montrer que ce marché existe bien dès
maintenant. Y aurait-il là un argument en faveur d’une pérennisation de développements
type Mercator par exemple et de leur mise en exploitation opérationnelle?
Si on ajoute la 2ème info que je joins, on en sort certain...
Que pensez-vous d’une News sur le sujet ? Et éventuellement d’une invitation à un
assureur ?
Axa
Cyclones
De : Jean
Labrousse
Date : 23/03/06 09:34
Je regrette beaucoup de n'avoir pas participé à ce que je crois être un débat sur
l'existence d'un marché pour Mercator.
Je pense qu'il faudrait éviter de commettre l'erreur qui a été faite pour la météorologie et qui nous met dans la situation que l'on connaît.
Il ne faut pas confondre l'intérêt économique de la connaissance de l'état futur de
l'océan ou de l'atmosphère avec l'intérêt commercial. Je ne parle que de la prévision
pour simplifier les choses je n'en oublie pas pour autant les produits autres.
Lorsque l'on dit qu'un € investi en météorologie rapporte 5 € on parle en terme de retour
économique et en aucune façon de retour financier. Le produit est ce que l'on appelle un
produit commun partageable.
Lorsque l'on produit une prévision, son prix, en particulier le coût de l'observation, de
loin encore dominant en dépit de l'automatisation qui entraîne une diminution des coûts
en personnel, est largement indépendant de l'usage qui en sera fait. Or il est bien
évident que pour des raisons de sécurités des personnes et des biens par exemple il est
indispensable de publier ces prévisions. Aussitôt que cela est fait on a diminué très
fortement la valeur marchande du produit.
Je ne vais pas aller beaucoup plus loin ici car ce serait trop long et que la discussion se
doit d'être contradictoire.
Autant je pense qu'il faut bien mettre en évidence l'intérêt économique de ces produits,
autant, dès le début, il faut souligner qu'il ne peut pas y avoir de valeur commerciale
notable qui pourrait faire croire que le système peut s'autofinancer.
C'est un peu comme confondre le fait que la recherche a un intérêt économique considérable avec l'espoir que la recherche s'auto finance.
Je suis prêt à discuter de cela et à retrouver la littérature qui a
été publié à cet égard et qui doit exister à. Météo France, au CEPMMT et ailleurs.
De : Jacques MERLE
Date : 03/23/06 10:06:54
J'ai cependant l'impression, je ne suis pas
économiste, que là où il y a intérêt économique il y a intérêt financier; l'économique se traduit par de la finance. Ce que l'on peut
discuter, (dans un rapport 5 pour 1 par exemple) c'est où vont ces finances gagnées ?, vers le public, c-à-d tout le monde, le citoyen, où vers des
sociétés privées ? Les deux probablement dans des proportions variables .....
C'est une simple réflexion d'un ignorant de la chose économique ...
De : Jean
Labrousse .
Date : 23 mars 12h36
C'est hélas un peu plus compliqué. Ce dont on parle, c'est du moins ce que j'ai compris à
travers le message de Jean-Paul c'est de la valeur marchande du produit.
Qui va acheter le produit? à combien?
C'est cet argent qui va me permettre de financer la fabrication du produit.
Prenons un exemple Si je suis capable de prévoir que demain, sur telle partie du département,il y aura telle quantité de précipitations, alors que je suis en période de traitement de ma
vigne, je sais que la traiter conduirait à une perte de produit puisqu'il sera lavé par la
pluie. Je vais donc retarder mon traitement. Gain immédiat le coût du traitement inutile,
gain à terme, je n'ai pas envoyé dans la nature un produit dont il faudra se débarrasser par
un traitement adéquat de l'eau. On peut évaluer le gain qui est un gain économique.
Mais là n'est pas le problème. En tant que fournisseur du produit prévision, qui va me payer
mes coûts?
Je fais une prévision de pluie, je ne peux pas ne la donner qu'à celui qui va l'utiliser pour
sa vigne. Je vais bien évidemment la communiquer au service des eaux, par exemple, pour que
des précautions soient prises pour réguler les vannes. C'est la même prévision. L'une est
publique l'autre est privée. Pourquoi le vigneron va-t-il me payer cette prévision alors
qu'il lui suffit d'écouter la radio pour avoir la même information gratuitement.
Ma prévision est un bien général non "individualisable" donc non vendable.
De façon plus générale une opération peut avoir un impact négatif du point de vue de l'économie alors qu'elle a un impact positif pour l'individu qui la fait.
En résumé on ne peut pas confondre l'intérêt marchand avec l'intérêt économique. La
politique des USA est à cet égard beaucoup plus cohérente que la nôtre.
L'observation, la recherche et la production générale des prévision sont financées par le
budget fédéral. Les produits fournis sont fournis gratuitement, aux frais d'extraction et de
transmission près. Tout un chacun peut à partir de ce produit, payé par l'impôt donc la
communauté, le transformer et le vendre s'il trouve acheteur.
Les USA n'ont jamais demandé à la NOAA de trouver des ressources pour rembourser par exemple
les satellites ou le réseau de radars ST etc.. Je ne vais pas résoudre le problème, je dis simplement qu'il faut être clair dès le début
car la réponse classique du milieu politique qui tient les cordons de la bourse
c'est :
puisque votre projet a tellement d'intérêt économique, vendez-le, cela prouvera qu'il intéresse les gens.
Je pourrais te donner des exemples que nous avons étudié pour montrer cette différence
essentielle. Cela je le répète tient à cette notion de produit d'intérêt commun non
individualisable.
On peut s'en sortir, c'est par exemple le cas de l'aviation civile, en créant un marché
captif et un financement sous forme de taxe. Le coût total du service de navigation aérienne
est calculé puis divisé, sous forme de redevance entre tous les utilisateur: produit unique
/ client captif. C'est un cas de produit général. La sécurité et son traitement n'est pas
individualisé à un aéronef donné mais résulte de l'ensemble du trafic.
Une dernière remarque la majeure partie, sinon la totalité des coûts, n'est pas fonction de
la quantité produite. Le coût d'une prévision n'est pas fonction du nombre de clients.
Lorsque je l'ai produit il ne m'en coûte pas plus de la fournir à 1 qu'à n utilisateurs.
Autrement dit contrairement aux schémas classiques ce sont les "frais généraux qui définissent le coût"
De :
Raymond Zaharia
Date : 23 mars 12h57
Merci Jean, de lancer ce débat essentiel ! Tu exprimes bien mieux que moi ce que j'ai
essayé de dire a Venise, puis lors de notre réunion Argonautes d'avant hier:
des travaux comme ceux de Michael Glantz (NOAA) ou Mary Altalo, (COI +
Ocean US... + etc.), sur l'intérêt économique d'une "prévision
met-océanique" (dans divers secteurs d'activité: Énergie, Transports,
Tourisme, etc.) peuvent créer l'illusion, (notamment dans des cercles comme
GEOSS ou GMES...), que le système nécessaire pour produire une prévision
pourrait s'autofinancer...
Comme tu le dis "il ne peut pas y avoir de valeur commerciale" commensurable avec les
coûts du système d'observation... et c'est bien la collectivité qui doit supporter ces
coûts, comme ceux d'autres
infrastructures (routes, voies ferrées, santé, police, etc.)
La perversité de cette illusion (des "Privates businesses qui vont se mettre a financer les obs"...) est d'autant plus grande que si l'on y
cèdait, on pourrait mettre en cause du même coup l'exigence d'égalité
d'accès au "Bien public" que constitue la prévision... (En rendant "rares"
ces infos, on peut rêver d'une augmentation de leur prix, contribuer à
l'illusion d'un équilibre financier, et en définitive ringardiser la notion
de "Service public"...).
Faute d'une doctrine claire et robuste, (par exemple "C'est au contribuable
de financer 80 ou 90 %, mais... il n'est pas interdit de faire un profit
financier sur qq produits professionnels faits "sur mesure"...), on laisse
le système météo existant partir en brioches (et/ou: on empêche le système
"Océan Climat" de franchir "la Vallée de la Mort", alias la transition de
la recherche aux applications...)
Je sens combien mes propos risquent d'être naïfs au regard de la connaissance que tu as du sujet... ils ont surtout pour but d'attirer tes
nécessaires rectifications !
De : Michel
Gauthier
Date : 23 mars 2006 13:10
Mardi dernier sur ce thème je vous ai parlé de mes contacts avec les compagnies de
réassurance, je vais essayer de retrouver ma doc et ma conclusion de l'époque 1995-98 : La prévision les intéressait mais ........ils gagnent leur vie grâce au malheur des autres....Je suis curieux de voir ce qui a changé.
De : Jean
Labrousse
Date : 23 mars 2006 13:10
Pour le monde de l'assurance je suis assez inépuisable. Ce serait trop long de vous raconter mon expérience mais je vous promets de vous en parler lors d'une prochaine réunion, si cela vous intéresse!.
Pour ce que tu dis, Raymond, nous sommes sur la même longueur d'onde, mais ici encore je ne pense pas que cela vaille la peine d'encombrer le réseau, je suis prêt à animer une réunion sur ce sujet.
Raymond Zaharia
Date : 23 mars 2006 16:53:57
En dépit de ton propos un peu désabusé ("Je ne pense pas que cela vaille
la peine d'encombrer le réseau"), je poursuis cet échange: à tort ou
à raison, je ressens une certaine urgence...
Un constat clé est celui la "cohérence introuvable" du monde politique
français (et/ou bruxellois...): "Les USA n'ont jamais demandé à la NOAA de
trouver des ressources pour rembourser par exemple les satellites ou le réseau de radars ST etc. [..] il faut être clair dès le début car la
réponse classique du milieu politique qui tient les cordons de la bourse
c'est: puisque votre projet a tellement d'intérêt économique, vendez-le,
cela prouvera qu'il intéresse les gens."
Il me semble que c'est exactement ce qui se passe: dans le débat "GIE
GIP" Mercator, les 2 acteurs clé que sont Météo France et le SHOM, n'ont sans
doute pas assez "blindé " cet aspect "accessoire" des recettes commerciales: elles viennent soulager l'effort public (et elles ne sont
possibles que... si effort public il y a !); on a du compter sur "le sens
de la prise de risque" (d'autres diraient: le "silence complice" !), du
Cnrs, de l'Ifremer, de l'Ird, et... du Cnes !
Manque de pot, le Cnes a depeché un juriste et un comptable qui n'avaient,
eux, aucune raison de ne pas mettre en question la partie "recettes" du bilan financier (et, en exigeant de
réduire la voilure... ils rendent plus improbables ces recettes: oubliant 10 ans d'investissements, ils
s'abandonnent ainsi au confort douillet d'une... prédiction "auto-realisatrice" !).
Faute d'afficher la couleur, le vrai débat n'a sans doute pas eu lieu: "Ce
que nous proposons c'est d'augmenter la dépense publique, (et cela en vaut
la peine - surtout quand on se gargarise à "l'Économie de la Connaissance"
!) La stratégie de Lisbonne, revue a Barcelone... la croissance de la richesse nationale, tant
désirée, reposent justement sur ce genre d'innovation !"
A défaut, le jeu de "cache cache" bat son plein: le(s) ministère(s) di(sen)t: "C'est aux organismes de se demerder", tandis qu'en
réalité aucun organisme n'a reçu de mandat clair pour promouvoir cette
activité;
(cf. l'exclamation (*) de Claude Pastre, il y a plus de 10 ans !); si la
complicité, le bon voisinage, et un certain volontarisme se relâchent...
(Eu-phe-mis-me !), Mercator risque de naviguer encore qq temps entre... le
tourbillon de Charybde... et l'hydre de Scylla !
http://grenier2clio.free.fr/grec/charybde.htm
(*) "Ces aspects, s'ils sont à peu près acquis en météorologie, commencent
à peine à être abordés en matière de climat. On ne voit pas trop aujourd'hui comment ces difficultés seront surmontées car, pour l'instant,
aucun organisme ne s'est vu confier la mission de surveiller les évolutions
du climat: disposer d'un système d'observation du climat, c'est assurément
l'affaire de tous ... est -ce une bonne raison pour que cela ne soit de la
responsabilité de personne ?"
Date: Fri,
24 Mar 2006 10:07:
From: Patrick VINCENT
Subject: "Retours economiques" pour un service operationnel de
previsions
climat-océan
Bonjour à tous,
A divers titres, je suis très intéressé par la discussion que vous
avez sur le sujet "retours économiques ...".
Je suis très heureux de constater que la différence entre "économique"
et "commercial" apparaisse explicitement dans vos échanges:
elle est essentielle, et elle a encore du mal à passer lorsqu'on l'évoque,
tant
au niveau institutionnel français qu'européen.
Beaucoup d'illusions ont été créées par certains discours. Et
l'illusion créée par certains exposés américains (je n'ai
malheureusement pas pu venir à Venise, mais j'ai eu d'autres occasions
d'en entendre) s'explique bien: l'économie et l'industrie américaine
ont une telle capacité à "ramasser" la manne des
applications et produits aval, que l'investissement amont que les USA
peuvent faire à un niveau institutionnel retournera multiplié par un
facteur bien plus grand que 1 dans l'industrie américaine! Il me semble
que ce point est important, et
que nous ne pouvons pas dire la même chose côté français et même à
l'échelle européenne.
Je suis très preneur de suivre vos débats, et je vous encourage, si
vous en avez la volonté et les éléments, à produire effectivement
une news bien circonstanciée sur le sujet.
Sachez qu'elle serait utilisée à sa juste mesure, et que même si l'on
a l'habitude de dire "mieux vaut tard que jamais", produire
cette news dans les meilleurs délais aurait sûrement une utilité très
forte.
Amicalement,
Patrick
De : Jean-Paul GUINARD
Date : 24 mars 2006 11:15
J’ai compris de ce que tu as dit lors de la dernière réunion que deux
démonstrations étaient à faire :
1- justifier l’existence d’un service opérationnel de prévisions
climat-océan par ses retombées économiques et même.... financières,
2- montrer qu’il appartient aux collectivités publiques (riches) de
financer maintenant le service opérationnel éventuel.
Je comprends – d’après les échanges entre JL, JM et toi - que personne ne
remet en cause les conclusions du point 1 (L’exemple choisi avait surtout
pour but de justifier le point 1); par contre, la question se pose sur le
point 2.
A mon avis, l’exemple montre à tout observateur de bonne foi que des «retombées» (économiques) sont à attendre dans tous les secteurs de
l’économie, même les plus inattendues.... Mais l’importance (économique) de
ces retombées
(1) intéresseront des secteurs non-identifiés à ce jour,
(2) n’interviendront qu’à terme long. Il y a donc là un marché mais... futur!
Or, il faut se mettre tout de suite à observer les changements qui n’attendront pas que ces retombées se manifestent...
Bien entendu, la proposition de Jean est à retenir... le débat est à poursuivre par tous les moyens...
De : Raymond Zaharia
Date : 24 mars 2006 16:14
La pratique (parfois éhontee..) du "Blind Copy" qui est la mienne, trouve
sa source dans 2 postulats:
i) c'est sympa de partager des infos avec les copains, et...
ii) c'est... encore plus sympa de partager leurs observations zéventuelles !
Outre la réaction que nous avons eue ce matin de Patrick Vincent, ("cela
nous interpelle qq part..." cf. ci-dessous !), voici celle de G.
Brachet; il est clair que nous avons tous a peu près le même sentiment: ne pas
confondre un retour économique (un "bénéfice sociétal"...) avec des
"recettes commerciales permettant de réduire le financement public" (qui
rend possible le "retour économique" considéré...).
Par ailleurs, comme vous vous en doutez, la fin du msg de PV ("Je suis très
preneur de suivre vos débats, et je vous encourage, si vous en avez la volonté et les éléments, à produire effectivement une news bien
circonstanciée sur le sujet.[...] produire cette news dans les meilleurs
délais aurait sûrement une utilité très forte."), ne m'a pas laissé
indifférent !
Après divers échanges, ce matin, avec Patrick, Jean, et Gérard, il ressort
qu'une "News" (ou peut être mieux, une "FAQ" ?), en forme de... "Projet
pour l'Initiation des... Nouveaux Entrants" (ne surtout pas en faire... un
acronyme !) pourrait effectivement servir à l'édification de certains,
qu'ils soient ou non passes par Bercy...
Dans un monde idéal, il faudrait un projet "bon a circuler auprès des
collègues concernés" vers le 15 avril, (de façon a pouvoir le publier avant
fin avril). En fonction des échanges précédents, (et aussi des éléments
que nous allons nous procurer), on a une petite idée du message a passer: Dire
que GMES est "Economiquement viable", ne veut pas dire "Sans financement
public" !
Voir, par exemple, a/s les activités spatiales, la classification d'A. Lebeau: "le Grand"
équilibre économique (c a d celui ou non seulement, on amortit l'investissement, mais ou on
récupère même les coûts de R&D),
l'équilibre "Moyen": (les coûts de R&D restent à la charge du contribuable...) et... le "Petit
équilibre" (on ne récupère qu'une fraction, plus ou moins grande, des seuls
coûts de fonctionnement...).
Sauf Err. O Omiss... aucune activité spatiale dans le monde ne peut prétendre au "Grand
équilibre" et... seules les Radiocomms arrivent au "Moyen Équilibre" ! (le cas de Galileo serait
intéressant... mais, ce n'est
pas l'objet !)
C'est ce genre de "Fait Têtu" qu'il faudra rappeler, pour dissiper
l'illusion qu'il existerait a terme une possibilité d'équilibre financier
(sans argent public) pour des activités de type GMES. Si l'on ne renonce
pas a un projet qui suscite "le respect et l'envie" de partenaires... aussi
attentifs qu'admiratifs... l'enjeu est toujours d'obtenir une contribution
européenne significative à un financement qui ne peut être que public
(à
80, ou 90 %...), comme il en va pour d'autres infrastructures (routes,
énergie, protection des personnes et des biens, etc.).
En cette saison où la végétation démarre... pour le "débourrage de certains
crânes"... Jean et moi allons essayer de vous proposer un draft, mais...
toutes vos contributions sont bien venues !
From: "gbrachet" <gbrachet@wanadoo.fr>
To: "Raymond Zaharia" <raymond.zaharia@wanadoo.fr>
Subject: "Retours economiques" pour un service operationnel de previsions
climat-océan
Date: Thu, 23 Mar 2006 22:15
Mon cher Raymond,
Faisant exception à ma règle qui était jusqu'à présent de ne pas m'immiscer
dans les débats du club des argonautes (tout en les appréciant discrètement
puisque tu as la gentillesse de me mette en copie aveugle de vos échanges),
je voudrais te dire combien je trouve très intéressant l'échange que vous
avez eu ces derniers jours, et en particulier les excellentes réflexions de
Jean Labrousse, dont on voit bien qu'elles sont basées sur une longue expérience pratique des relations avec la technocratie française, et en
particulier celle de la rue de Bercy...
Comme tu le sais bien, j'ai moi même eu pas mal a débattre des mêmes questions dans le cadre de mes responsabilités à Spot Image dans les années
80 et 90, puis au CNES, en particulier avec mon ministre Claude Allègre en
1997-98-99. On pourra en parler ensemble une autre fois car cela prendrait
trop de temps maintenant. Sache que je partage dans ses grandes lignes l'analyse que fait Jean Labrousse et crois, moi aussi, que la confusion
mentale fréquente entre valeur économique d'un service et perspectives
commerciales est redoutable. Cette confusion est due (en partie) à un niveau
d'éducation aux fondamentaux de l'économie particulièrement nul en France.
Dans le cas particulier de Mercator qui nous intéresse ici, je suis convaincu que les perspectives de revenus commerciaux à court et moyen terme
sont assez modestes (je crois bien que Pierre Bahurel est aussi de cet avis)
et ne devraient en aucun cas polluer le débat sur l'avenir du groupement. Il
me semble évident toutefois que le GIP Mercator devrait évoluer vers un GIE
(ou équivalent) le plus vite possible, non pas pour des raisons de nature
commerciale mais parce que le groupement Mercator a besoin, maintenant qu'il
a fait ses preuves, de la souplesse et de l'autonomie de gestion que lui
donnera une structure de type GIE, de nature par ailleurs à faciliter l'accueil de partenaires du monde de l'entreprise (comme CLS) et des
partenaires non français comme les canadiens et les partenaires potentiels
européens. Telle est en substance la thèse que j'ai développée dans mon
rapport au CDO en septembre et présentée lors de sa réunion au début
d'octobre. Je me demande parfois s'ils l'ont lu...
Avec mes amitiés, et à bientôt;
Gérard
PS: tu peux passer ce message aux argonautes si tu penses que cela peut les intéresser
De : Bruno
Voituriez
Date : 24 mars 2006 16:24
Ceci est très intéressant mais je ne vois malgré tout aucune
justification dans ce cas aux blind copies. Quel mal y aurait-il à ce que nous fussions tous informés de ta liste de diffusion? Cela fait-il
partie des techniques dissimulatrices de l'entrisme trotskiste et d'un souci de trier l'information?
De : Michel
Gauthier
Date : 25 mars 2006 11:51
Je suis en phase avec les idées (retour économique versus retour commercial ) et le principe d'une FAQ plutôt que d'une News car ces idées ne
sont pas vraiment nouvelles ...
On annoncerait la parution de la FAQ par une News ?
De : Jean-Paul GUINARD
Date : 26 mars 2006 12:10
Sentiment partagé.
De : Raymond Zaharia
Date : 30 mars 2006 18:16
3 reactions de JFM en 3 jours ! Et cela... juste au moment, ou je suis
absorbé par qq problèmes de robinets ou même d'inspection de...
tuyauteries !! (dans la maison comme... dans le fondement de ma personne !)
Sans prendre le temps de les lire "a fond", je vous les re-transmets illico, en
espérant que vous pourrez en tirer, mieux que moi en ce moment... la "substantifique moelle" !
Date: Tue, 28 Mar 2006 11:53
From: Jean-Francois MINSTER <jean-francois.minster@cnrs-dir.fr>
To: Raymond Zaharia <raymond.zaharia@wanadoo.fr>
Subject: Re: Debat a/s "Crossing the Death Valley"
Merci. La position de base entre intérêt économique et service commercial est claire. Le modèle
économique des Marine Core Service reste à élaborer. Ceci dit, le sujet sera sans cesse réouvert : d'une
part il y a des nouveaux dans les services et les cabinets qui doivent réapprendre les bases - et encore plus quand ils ont une idéologie très
libérale. D'autre part, il est normal que l'équilibre entre la partie
publique et la partie commerciale évolue et soit révisée. Ce que je préconise, c'est une démarche contractuelle à 4-5 ans pour fixer
temporairement les règles du jeu et fixer la date de remise en
discussion du sujet. Cette contractualisation concerne au premier chef les opérateurs dont les organismes.
Jean-François
Date: Thu, 30 Mar 2006 15:09
From: Jean-Francois MINSTER <jean-francois.minster@cnrs-dir.fr>
To: Raymond Zaharia <raymond.zaharia@wanadoo.fr>
Subject: "Retours economiques" pour un service operationnel de previsions
climat-océan
Raymond,
En tant qu'ancien responsable d'organisme (et en tout cas, c'est ainsi que j'ai cherché à gérer l'Ifremer), je pense que le jeu des ministères
consistant à demander aux organismes d'assumer ce qu'ils proposent n'est
pas totalement absurde. Le jeu doit être celui de la négociation d'un contrat : voilà ce que l'organisme propose et ce que cela coûte, voilà
les moyens qu'on lui confie et ce qu'il doit faire en priorité.
Évidemment, c'est nettement plus compliqué car une partie croissante des
ressources de l'organisme ne sont pas dans sa subvention, si bien que le
contrat ressemble de plus en plus à un business plan d'entreprise. Ce que l'organisme doit faire dans ce jeu, c'est de mettre sur la table ce
qu'il redéploie et aussi ses gains de productivité. Ce n'est qu'à cette
condition qu'il peut négocier une croissance. En pratique, il est possible d'introduire une part du financement de l'océanographie
opérationnelle dans les budgets des organismes en optimisant une partie
des surveillances actuelles à l'Ifremer, au SHOM et à Météo-France. Note
aussi que ce sont les organismes qui sont responsables de la situation actuelle du business plan de Mercator, car ce sont eux
(M-F principalement) qui ont tout fait pour l'empêcher de valoriser ses
services (par crainte de la concurrence avec leurs propres services). Dans le même temps, Mercator n'a pas assez expliqué où était sa
clientèle actuelle (j'ai découvert que certains directeurs d'organismes
croyaient que les seuls bénéficiaires étaient eux mêmes alors qu'il y a
66 autres clients réguliers des produits numériques).
Jean-François
Date: Thu, 30 Mar 2006 15:40
From: Jean-Francois MINSTER <jean-francois.minster@cnrs-dir.fr>
To: Raymond Zaharia <raymond.zaharia@wanadoo.fr>
Subject: "Retours economiques" pour un Sce operationnel de previsions Ocean-Climat
Je suis aussi d'avis que ce genre de FAQ serait utile. Bien sûr, il faudra prendre soin de valider toutes les affirmations.
L'exemple du financement de la R et D par le contribuable (moyen équilibre) est un exemple de sujet où il faudra vérifier les
affirmations : en moyenne globale sur tous les secteurs, la R et D est financée pour moitié sur fonds publics et pour moitié sur fonds privés
(plutôt 2/3 de privé aux USA et 2/3 de public en France). C'est évidemment variable suivant les secteurs : il y a des secteurs à très
forte part d'innovation (15% de la valeur ajoutée - comme la pharmacie)
et d'autres où ceci est plus faible. La moyenne est à 2,3% du PIB en France (plutôt 3% aux USA).
Je crois bien que les telecom est un secteur à très forte part d'innovation et que celle-ci est essentiellement financée par les
entreprises, mais je ne connais pas les chiffres. Les entreprises spatiales françaises ont l'habitude financements publics
de leur développement (surtout Alcatel; une mentalité d'Arsenal selon
DVM) que cela traduit la moyenne de ce secteur qui n'a de sens qu'à l'échelle mondiale.
En ce qui concerne les services, la France est plutôt faible en effort d'innovation (CLS est très atypique de ce point de vue en matière de
démarche d'innovation; il vit essentiellement de contrats publics mais
c'est le cas de beaucoup d'entreprises de services). Vu le poids de ce secteur dans l'économie, cela contribue significativement au
différentiel de la part de R et D privée entre la France et les USA.
Ces commentaires ne remettent pas en cause le discours de fond (et notamment le rappel que les agences fédérales US vivent de fonds
fédéraux et qu'elles n'ont pas le droit de développer des activités commerciales). Mais il vous faut éviter de vous faire contrer par un
libéral à tout crins - notamment s'il est passé par Bercy.
Jean-François
De : Jean-Paul GUINARD
Date : 1 avr. 2006 11:01
Salut de ... Concarneau...où le coef de marée est de 115!
Je regrette de ne pouvoir être des vôtres lors de la prochaine réunion, qui
s'annonce passionnante, à la fois pour B. Dessus, pour la préparation de la
FAQ, pour les projets "Erik", et pour CLOOD.
Mais gare au 4 Avril...les nouvelles ce matin montrent que de nouvelles perturbations des transports sont possibles...
Pour ce qui concerne la FAQ, j’ai entendu ton appel. Je livre quelques
réflexions ou questions sur ce que j’ai compris de nos échanges récents,
pour tenter de contribuer au débat :
-
si j’en crois les économistes, un «bien public» ne saurait être
confondu avec le service qui l’observe. Dans notre cas, le bien public est
l’océan (et l’atmosphère?...)
-
notre Club est sans doute bien placé pour:
-
dire qu’un service opérationnel de type Mercator aura des «retours
économiques» (au sens large),
-
chiffrer ces retours: quels seront-ils? qui en seront les
bénéficiaires? (J’observe que ceci suppose un travail qui excède nos
capacités actuelles)
-
dire qu'il est urgent de pérenniser une (ou plusieurs) structure(S)
de service chargée(s) de faire l’observation opérationnelle, apte à délivrer
les produits d’information brute aux utilisateurs et à faire des prévisions,
-
dire que cette structure est appelée à évoluer d’une part pour
faire face à l’évolution des données, d’autre part dans trois directions, au
niveau national, européen et mondial,
-
mais notre Club est-il compétent pour se prononcer sur le type de
structure juridique, et sur son mode de financement? .
Pour mémoire News de janvier 2006
sur Topex
TOPEX-Poséïdon: 13 ans de mesures de haute précision...
|
"The
End of An Era. The venerable Topex/Poséïdon takes it last bow"
NASA
"Après
13 ans d’observation continue des océans, le satellite
Topex-Poséïdon tire sa révérence" AVISO |
La mission de Topex/Poséïdon s'est terminée ce 5
janvier 2006 après la défaillance d'une roue à inertie indispensable
à sa stabilisation. En dépit des prouesses auxquelles les ingénieurs
du JPL (Jet Propulsion Laboratory de la NASA) nous ont habitués, il n'a
pas été possible d'y remédier.
Avec un enthousiasme bien compréhensible, Le Club des
Argonautes a déjà vanté les mérites de cette mission au succès sans
précédent :
Trois
cent millions de lieues au-dessus des mers
Quinze ans d'altimétrie radar par
satellite. Venise Mars 2006
Aussi... est-ce avec satisfaction que nous avons appris, l'approbation
par le CNES, le 9 décembre, du lancement du programme Franco-Indien
AltiKa : altimétrie radar à une fréquence de 35 GHz pour l'étude
de la circulation océanique qui sera opérationnel en 2008 sur un
satellite indien Oceansat3.
Le programme AltiKa s'inscrit dans la suite des "systèmes altimétriques
couplés" représentés par les missions complémentaires "TOPEX-Poséïdon
+ ERS1&2" (de 1992 à 2002) , puis par "Jason-1 + Envisat",
à partir de 2002.
Avec le futur Jason-2, (aussi appelé OSTM : Ocean Surface
Topography Mission...), il constituera la 3ieme génération de ces
"couples de rêve", tels que les chercheurs et ingénieurs du
CNES et de la NASA les ont recommandés en 1991, dans un "Livre
blanc" sur l'altimétrie spatiale (le "Purple Book"!),
remarquable par sa vision à long terme, formulée alors que les
rapports du GIEC et la nécessité de disposer de séries temporelles
sur le climat étaient encore peu connus...
Malheureusement, la continuité des observations entre Jason-1 et
Jason-2 est fragilisée par le retard pris par Jason-2 qui, dans un
monde idéal, aurait du être lancé en 2006, de façon à garantir l'inter-étalonnage
de ce système de haute précision avec son prédécesseur Jason-1 (lui
même recalé, au cours des 8 premiers mois de sa mission, avec
"l'ancêtre TOPEX-Poséïdon"...)
Souhaitons que Jason-1 connaisse, lui aussi, une longévité record,
de façon que la série climatique, homogène et bien étalonnée, entamée
en 1992, ne soit pas interrompue ! La capacité des modèles
numériques d'évolution du climat à reproduire, au moins en partie, la
carte des variations du niveau moyen des mers sur plus de 15 ans peut être
un test décisif du réalisme de ces modèles.
Nous évoquons souvent l'importance de la "continuité des moyens
d'observations" pour la connaissance de l'évolution de notre Planète
(Voir notre rubrique "Géonautique").
A cet égard, les systèmes spatiaux sont les seuls à pouvoir nous
offrir des mesures précises, et homogènes sur la Terre entière.
Mais, aujourd'hui, rien ne garantit la permanence de ces observations de
l'océan et du climat ! Les sondages atmosphériques, eux, sont effectués
"en routine": l'arrivée d'un nouveau responsable, par exemple
à l'Office Météorologique chargé de les faire, ne peut avoir pour
effet de retarder ou d'interrompre cette activité... Lorsque nous réussirons
à faire en sorte que de précieuses séries temporelles ne soient plus
tributaires d'un changement dans telle ou telle Agence Spatiale, la Géonautique,
(et sa conséquence naturelle... "la Géoscopie"), sera
devenue une réalité !
De même qu'il existe des institutions nationales pérennes , réunies
au sein de l'Organisation Météorologique Mondiale, pour garantir la prévision
météo, (c'est la "Veille Météorologique Mondiale, la VMM"...),
de même, il sera nécessaire que de telles institutions nationales se
créent pour "océan et climat" et assurent à leur tour une
VMOC "Veille Mondiale Océans et Climats" (notamment
pour permettre que le débat sur le changement climatique se fonde
davantage sur des mesures que... sur des croyances !). Il est vrai que
la VMM, poussée par la nécessité de créer des réseaux mondiaux et
des procédures d'échanges des observations de l'atmosphère, a fait
ses preuves depuis plusieurs décennies.
Les propos tenus en 1994 par notre collègue de la Météo,
Claude Pastre, n'ont pas pris une ride !
"Une liste d'instruments ne constitue pas un système ! Il ne
fait aucun doute que les agences spatiales opérant de par le monde
soient capables de faire développer tous les instruments dont a besoin
la recherche scientifique sur le climat. On peut même penser qu'il y a
de bonnes chances qu'elles en fassent voler des prototypes prochainement
sur des plates-formes expérimentales; mais il y a loin d'une collection
d'instruments prototypes à un système d'observation. Il faut rajouter
deux choses au moins :
-
un concept de système qui assure la cohérence
de toutes les parties pour obtenir un tout capable de remplir une
mission prédéfinie, et
-
un engagement de continuité qui fasse que l'on
dispose d'une série de mesures sur quinze à vingt ans pour être
dans les ordres de grandeur des phénomènes auxquels on s'intéresse.
Ces aspects, s'ils sont à peu près acquis en météorologie,
commencent à peine à être abordés en matière de climat. On ne voit
pas trop aujourd'hui comment ces difficultés seront surmontées car,
pour l'instant, aucun organisme ne s'est vu confier la mission de
surveiller les évolutions du climat: disposer d'un système
d'observation du climat, c'est assurément l'affaire de tous ... est -ce
une bonne raison pour que cela ne soit de la responsabilité de personne
?"
12 ans plus tard, des initiatives telles que "Global Earth
Observations System of Systems" (GEOSS),
et son volet européen GMES,
préfigurent, (après GOOS et GCOS), cet avènement nécessaire de la
"Geoscopie". Cependant leurs différents éléments continuent
à être financés en grande partie comme "de la Recherche",
(c'est le cas d'AltiKa).
Reconnaître qu'il s'agit désormais d'une activité opérationnelle,
c'est tout l'enjeu de la transition, toujours délicate, de la Recherche
aux Applications ! Autre facteur critique: reconnaître que
cette activité d'intérêt général ne peut fonctionner sans
financement public !
Un accord international, comme
pour la météorologie ou la navigation aérienne, devient une urgence !
Comme l'a dit le poète Rafael
Alberti: "Il est des portes sur la mer qu'on ouvre avec des mots
!"
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