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Jacques Merle

On fait souvent référence à l’AGI comme un début exemplaire de la coopération internationale pour l’étude de la Terre, particulièrement de ses enveloppes fluides.

Qu’en est-il exactement ? 

Comment l’AGI a-t-elle été mise en place et organisée ? 

Quelles sont les avancées scientifique majeures que l’on peut lui attribuer ? 

Grande et petite histoire de la naissance de l’AGI

On pourrait être tenté de présenter l’AGI comme une entreprise scientifique planifiée rigoureusement et de longue date par un petit groupe de savants éminents qui, pour des raisons purement scientifiques, auraient réussis, miraculeusement, à mobiliser des bateaux, des avions, des fusées (pour lancer les premiers satellites artificiels de la Terre), et des milliers de scientifiques appartenant à des dizaines de pays. 
Ce serait donner une image trompeuse de la réalité des motivations de cette entreprise.

Malgré tout l’AGI fut bien un vaste programme pluridisciplinaire d’étude de la Terre, mis en œuvre par 67 pays de l’est et de l’ouest, du nord et du sud, qui a mit en œuvre des moyens considérables pour couvrir, pour la première fois, toutes les disciplines scientifiques de la Géophysique. Mais ce ne fut pas seulement pour la beauté de la science. 

L’organisation des activités scientifiques rangées sous le couvert de l’AGI a obéit à des motivations, à la fois, plus simples et plus complexes qui furent le résultat de la convergence de multiples initiatives venant de cercles scientifiques divers, mais aussi et surtout des milieux politiques et militaires de l’est et de l’ouest. Il serait naïf de sous estimer l’importance du contexte politique de cette époque des années 1950 qui suivait la fin de la deuxième guerre mondiale et marquait l’entrée du monde dans ce qui fut appelé la guerre froide. 

Paradoxalement c’est ce contexte politique lourd qui stimula la naissance de cette vaste opération de coopération scientifique internationale. Les politiques et les militaires aussi bien de l’ouest que de l’est étaient préoccupés par des alternatives stratégiques qui dépendaient de développements technologiques non encore réalisés, de questions scientifiques non encore résolues et d’observations de milieux terrestres encore mal connus. 

À titre d’exemple les États Unis, craignant une attaque soviétique de l’Europe par le nord de l’Atlantique, avaient besoin de mieux connaître l’arctique et sa couverture de glace. L’antarctique était aussi un sujet de préoccupation des deux cotés, les américains tentant de faire reconnaître l’inviolabilité territoriale de ce nouveau continent, (ce qui aboutit en 1959, à l’issue de l’AGI, à la signature du traité de l’Antarctique), tandis que les soviétiques les suspectaient de préparer secrètement sa conquête et mettaient en avant les expéditions que les Russes avaient conduites au XIXème siècle. 

Les propriétés de la haute atmosphère et les relations entre les orages magnétiques, les rayons cosmique et l’activité solaire étaient aussi un sujet d’intérêt considérable car la fiabilité des télécommunications en dépendait. 

D’une façon générale toutes les technologies touchant de près ou de loin au nucléaire, aux fusées, aux sous-marins, à l’acoustique et au télécommunications devenaient de la plus haute importance stratégique et justifiait la recherche d’une alliance des scientifiques et des militaires.

Les prémices d’une telle alliance, d’où serait issue l’AGI, semblent avoir été la constitution d’un Joint Research Development Board américain, en 1947, pour promouvoir des recherches dans les domaines où il était nécessaire de faire interagir des scientifiques civils et des militaires. 

Aux États unis de nombreux panels et groupes de travail scientifiques furent constitués dans le cadre de ce «board» sur des sujets scientifiques qui furent plus tard intégrés dans les activités de l’AGI. L’animateur de ce «R&D Board» Américain était un certain Lloyd Berkner qui décida de l’internationaliser en invitant des scientifiques étrangers. Le Britannique Sydney Chapman fut l’un d’eux. La petite histoire raconte que par une belle soirée d’avril 1950 où Chapman et Berkner avaient été invités à dîner chez James Van Allen, ils eurent l’idée de proposer une troisième année polaire, poursuivant la série après la première de 1882 - 83 et la seconde de 1932 - 33 qui fut partiellement un échec à cause de la crise économique mondiale. 

Cette idée d’une nouvelle année polaire internationale fut ensuite présentée dans différentes commissions scientifiques nationales et internationales couvrant les domaines de l’astronomie, la géodésie et la géophysique. Pour internationaliser pleinement le projet, ces commissions décidèrent de le soumettre à une instance scientifique internationale de grande réputation, l’«International Council of Scientific Unions - ICSU», qui décida de dépasser le seul domaine des régions polaires pour prendre en compte toutes les composantes de la géophysique en couvrant la Terre entière. Chapman, qui restait le père du projet, accepta cette extension et décida d’appeler le projet : «International Geophysical Year - IGY» ou AGI en Français. 

Le choix de cette année à cheval sur 1957-58 fut en partie décidée pour coïncider avec un maximum d’activité solaire prévu pour cette période. Un comité de pilotage de l’AGI fut créé, curieusement désigné par un sigle français, CSAGI, pour «Comité Spécial de l’Année Géophysique Internationale». 

Au cours des premières réunions de ce comité, des programmes furent mis sur pied ainsi que de nombreux groupes de travail incluant les scientifiques des 26 nations qui avaient décidé, à l’invitation de l’ICSU, de participer au projet. 
Mais l’URSS n’en faisait pas partie car ce pays n’était pas membre de l’ICSU bien qu’il adhérât à plusieurs de ses commissions et à l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM -WMO) qui soutenait aussi l’AGI. Cette absence de l’URSS embarrassait les américains qui décidèrent en 1953 de les inviter. Ceux-ci répondirent seulement 18 mois plus tard en acceptant de participer en octobre 1954 à une réunion, à Rome, de l’«International Union of Geodesy and Geophysics - IUGG» et de la CSAGI. Mais ses représentants furent muets se contentant d’écouter les propositions des occidentaux qui avaient bien avancé. Il fallut attendre la réunion suivante du comité, à Bruxelles en 1955, pour que les soviétiques présentent un programme aussi ambitieux que celui des américains, incluant notamment 15 navires océanographiques de forts tonnage pour couvrir l’océan mondial de stations hydrologiques, 3 stations sismiques permanentes dans l’arctique, et un ensemble d’instruments pour étudier la glace de mer, le permafrost, et l’hydrologie des régions arctiques et antarctiques. 
Cependant les soviétiques ne dirent rien des fusées et des satellites bien que les américains eussent annoncé, dès juillet 1955, leur intention de lancer un satellite qui serait pour eux une contribution à l’AGI. Il fallut attendre la réunion du comité de 1956 à Barcelone pour que la délégation soviétique acceptât de discuter avec les américains d’une mutualisation possible des moyens permettant aux deux pays de suivre leurs satellites par radio. Mais les membres de la délégation soviétique refusèrent de dévoiler leurs plans concernant l’envoi éventuel d’un satellite jusqu’à ce que brutalement ils lancent spoutnik 1 en octobre 1957 juste au moment où une réunion du groupe «fusée et satellites» de l’AGI se réunissait à Washington. 
On connaît la portée de l’événement et le choc international qu’il produisit. Mais peut-on dire que Spoutnik était une contribution effective à l’AGI ? Certains en doutent, tant le contexte militaro-politique avait pesé lourd avant toute considération scientifique. Les américains lancèrent leur Explorer le 31 janvier 1958, après le lancement de Spoutnik-2, (6 fois plus lourd que Spoutnik-1), le 3 nov. 1957, ce qui marquait le point de départ d'une farouche compétition pour la maîtrise de l'espace. 

Quelles que soient les péripéties de cette compétition qui débuta avec l’AGI, les débuts de l’observation de la Terre depuis l’espace marquèrent une nouvelle façon de «voir la Terre d’en haut», qui révolutionna la vision et la connaissance de notre planète. Mais beaucoup d’autres résultats scientifiques de premier plan sont à mettre à l’actif de l’AGI. 

Les conquêtes scientifiques de l’AGI.

On ne reviendra pas sur la conquête spatiale précédemment évoquée si non pour noter que les satellites furent aussi à l’origine de la découverte de la ceinture de Van Allen dans la très haute atmosphère (quelques centaines de kilomètres). On doit aussi à l’Année Géophysique Internationale la preuve de l’existence des grandes rides médio-océaniques qui enserrent le globe et qui seront expliquées plus tard par la tectonique des plaques. 

Cette année fut encore l’occasion de déployer à travers la planète des observatoires 

dont la très célèbre station de mesure du gaz carbonique de l’atmosphère que Richard Keeling installa sur le Mona Loa à Hawaii 

  

Crédit CDIAC

 et qui permit de détecter et de suivre l’augmentation spectaculaire de la concentration de ce gaz à effet de serre. 

  

Pour l’océanographie ce fut son entrée officielle dans le club des Sciences Géophysiques. On passa pour la première fois de campagnes nationales indépendantes à un seul navire à un vaste programme multi navire concerté, coordonné et synchronisé internationalement. Cet effort de coordination fut particulièrement marqué dans l’Atlantique où 5 navires firent simultanément une vingtaine de sections transatlantique de 48°N à 48°S. Il concerna aussi le Pacifique nord et le Pacifique intertropical. Résultat particulièrement notable, la découverte de l’ampleur du phénomène El Niño : jusque là perçu comme un phénomène confiné aux côtes du Pérou, on découvrit que c’était une perturbation océanographique et climatique majeure à l’échelle du Pacifique tout entier. 

Les premiers forages des glaces de l’Antarctique et du Groenland, par des français qui analysèrent la composition chimiques des bulles d’air enserrées, permettant ainsi de mettre en évidence, pour la première fois, la relation entre les températures et la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère des climats passés, est à mettre aussi au bilan de l’AGI. 

Crédit CNRS

Sur un plan plus politique l’Année Géophysique Internationale fut aussi le prélude de la création en 1960 de la Commission Océanographique Intergouvernementale (COI) au sein de l’UNESCO qui allait devenir par la suite le lieu de la concertation internationale pour la mise en œuvre des programmes internationaux d’océanographie.

Ils n’allaient pas cesser de se développer pour faire face aux défis que sont la prévision du climat et les interrogations que posent l’augmentation manifeste de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre à travers deux programmes globaux et mondiaux qui vont au-delà de l’océanographie : Le Programme Mondial de Recherche sur le Climat (PMRC) et le Programme International Géosphère Biosphère (PIGB).

Enfin, toujours au plan politique, l’AGI suscita le traité de l’Antarctique et la création des centres de données internationaux. 

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