FAQ - Climat
Quelles observations pour surveiller l'évolution du climat ?
Jean Pailleux - Avril 2015
Que faut-il observer pour modéliser le système climatique ?
La capacité de surveiller et prévoir le comportement du système climatique (qui est complexe, chaotique et non linéaire) dépend de façon critique de l'existence d'un réseau global de mesures, adéquates, précises, homogènes, et pérennes.
Les observations sont nécessaires pour étudier, analyser, comprendre et
modéliser les différents processus physiques qui affectent l'évolution du
système climatique. Elles servent aux modélisateurs, d'abord à concevoir les
modèles, ensuite à les valider dans les phases de développement, puis à les
vérifier et les perfectionner lorsque ces modèles sont utilisés comme outils
d'étude ou de prévision du système climatique. Elles servent surtout, via
l'assimilation
de données, à fournir un état initial (analyse des variables
caractérisant le système) des modèles utilisés en mode «prévision», ce qui
s'effectue sur une large gamme d'échelle de temps. À l'échelle de temps de quelques jours, les modèles
servent à effectuer des prévisions météorologiques, la disponibilité (rapide et
fréquente) en observations leur est nécessaire afin de définir un état initial
précis pour les variables décrivant l'atmosphère et la surface terrestre (vent,
température, humidité,...). Les autres variables du système climatique (telles
que celles caractérisant l'océan profond) sont alors maintenues constantes car,
sur quelques jours, elles évoluent peu par rapport à l'atmosphère. Aux échelles
de temps plus longues (jusqu'à l'ordre du siècle), les modèles sont dépendants
des observations qui caractérisent l'état initial de tout le système climatique
(courant, température, salinité de l'océan profond, données hydrologiques,...),
sans toutefois être soumis à une contrainte de finesse et de rapidité aussi
forte que pour les analyses atmosphériques en mode prévision météorologique.
Le web «OSCAR» de l'Organisation météorologique
mondiale (OMM) répertorie les variables d'état du système climatique que l'on a
besoin d'estimer pour le caractériser, ainsi que la précision, la résolution
spatiale, la fréquence temporelle, etc... que l'on a besoin d'attacher à
chacune de ces variables. Ces «besoins en observation»
(observation requirements) comme on les appelle, sont plutôt un chiffrage
empirique de la précision requise sur l'estimation de chaque variable d'état
présentée sous forme d'un champ bi ou tridimensionnel. Les chiffres résumant
ces besoins en observation dépendent de l'application considérée (prévision
numérique du temps, modélisation climatique, météorologie aéronautique...) et
surtout de l'échelle spatio-temporelle traitée par cette application. Ils ne
présument rien sur le (ou les) systèmes d'observation permettant de satisfaire
(directement ou indirectement) le besoin.
Voir par exemple sur :
http://..wmo-sat.../oscar....
… le tableau chiffré donnant les besoins des modèles de prévision globaux. Le
même tableau caractérisant la modélisation climatique est visible sous :
http://..wmo-sat...oscar/...
… pour la partie atmosphérique du système climatique (dite «domaine
atmosphérique» sur le web), ou encore sous :
http://...wmo-sat...oscar...
… pour la partie océanique du système climatique.
Dans ces tableaux de l'OMM, il existe trois niveaux de besoins chiffrés empiriquement :
Un besoin «minimum» indiquant concrètement qu'un système d'observation ne permettant pas d'atteindre ce minimum pour aucune variable et aucune application est de fait inutile.
Un besoin «idéal» ou maximum indiquant concrètement qu'une meilleure précision (ou résolution ou fréquence...) sur la variable considérée n'aiderait pas l'application considérée.
Un besoin «cible» ou «breakthrough», intermédiaire entre les deux précédents. Concrètement un système d'observation permettant de satisfaire ce besoin intermédiaire permet une avancée significative de l'application considérée.
Prenons l'exemple de la température dans les 3 tableaux précédents. Pour les modèles globaux de prévision du temps, le besoin minimum (resp. idéal) en résolution horizontale est de 500 km (resp. 15 km) pour les couches de la basse atmosphère, alors que l'erreur d'estimation (chiffrée en écart-type) ne doit pas dépasser 3° (minimum) et 0.5° (idéal). Pour la modélisation climatique, le même besoin pour la température des couches océaniques superficielles se chiffre par des seuils sur l'erreur d'estimation de l'ordre du millième ou du centième de degré. Ce rapport de 100 à 1000 entre incertitudes portant sur la même variable (température), très surprenant au premier abord, reflète plusieurs aspects fondamentaux du système climatique :
La variabilité en température de l'océan est beaucoup plus faible que celle de l'atmosphère, du fait de son inertie thermique.
Il en résulte que l'incertitude en valeur absolue sur la température océanique est plus faible que l'incertitude sur la température atmosphérique (températures instantanées ou moyennées sur une même période de temps) ; cela est vrai bien qu'il y ait beaucoup plus de systèmes d'observation mesurant l'atmosphère que l'océan profond.
L'échelle de temps joue un rôle capital sur ce chiffrage d'incertitudes : la même variable d'état peut être affectée d'une incertitude 100 ou 1000 fois plus faible suivant qu'on la considère à l'échelle de temps de la journée (prévision du temps) ou à l'échelle de temps de la décennie (surveillance du climat) ; l'incertitude à l'échelle de temps climatique est beaucoup plus faible que l'incertitude d'un instrument de mesure à un instant donné, même si l'une dépend de l'autre.
Le besoin en observations du climat, chiffré de cette manière, est souvent beaucoup plus exigeant que le besoin d'autres applications telles que la prévision du temps.
Le rôle clé de l'assimilation de données en modélisation.
Les modèles climatiques (et les modèles météorologiques qui en sont un sous-ensemble) sont étroitement dépendants des observations depuis leur conception jusqu'à leur utilisation opérationnelle ou régulière. À travers l'assimilation de données, le modèle est aussi l'outil qui permet de synthétiser l'ensemble des systèmes d'observation en une base de données cohérente appelée analyse (ou «réanalyse» lorsqu'on retraite ainsi de longues périodes passées). Il existe actuellement plusieurs systèmes d'observation et instruments permettant d'observer l'océan, et plusieurs dizaines permettant d'observer l'atmosphère. Chaque système ou instrument ne permet de mesurer qu'un nombre très limité de variables du système climatique, mesure souvent limitée à une toute petite partie du spectre d'échelle spatio-temporelle intéressant la météorologie et l'océanographie. L'assimilation dans un modèle numérique permet d'intégrer ces multiples sources partielles d'information observée en une analyse cohérente avec les lois de la physique qui sont inscrites dans les équations des modèles et qui pilotent l'évolution des fluides atmosphérique et océanique.
Les besoins en observations tels qu'ils sont chiffrés par l'OMM à propos de la
modélisation globale pour la prévision du temps résultent largement de
l'expérience des scientifiques pratiquant l'assimilation de données, et donc
produisant des analyses météorologiques. Les outils d'assimilation fournissent
généralement, outre une estimation des variables d'état, une évaluation
statistique de l'incertitude associée à cette estimation. Cette incertitude
dépend en général d'une multitude de sources de mesures. Ainsi, l'estimation du
champ de vent à la surface de l'océan dépend autant (et souvent plus) des
estimations indirectes de ce vent (à partir des mesures de pression de surface,
et des mesures de l'état de la mer par des instruments spatiaux) que des
mesures directes du vent (bateaux, bouées ancrées ou dérivantes, souvent
équipées de capteurs de pression mais assez rarement équipées d'instruments
pour mesurer le vent).
Les réanalyses atmosphériques sont effectuées régulièrement depuis le début de
la décennie 1990 par la communauté météorologique internationale. Elles ont
pour objectif principal le suivi de l'évolution du climat sur plusieurs
décennies. Elles sont effectuées par des systèmes d'assimilation identiques à
ceux servant à la prévision météorologique. Elles utilisent les mêmes
observations, souvent en quantité un peu plus élevée du fait que l'on a du
temps pour y rajouter les observations qui n'ont pu être rassemblées en temps
réel mais qui sont disponibles après coup. Comme la réanalyse doit être
effectuée tous les jours sur une longue période, elle est généralement
effectuée avec un système d'assimilation qui n'est pas le plus moderne mais
datant de 5 à 10 ans de façon à être moins coûteux en temps de calcul. Les
réanalyses océaniques, développées plus récemment, suivent le même chemin que
les réanalyses atmosphériques.
Voir :
http://...ecmwf..-climate-reanalysis
Besoins (en observations) indépendants de la modélisation climatique.
Comme tout système d'observation, les modèles ne couvrent pas non plus tout
le spectre d'échelle spatio-temporelle intéressant le climatologue. Ils ont
forcément une résolution spatiale limitée. Actuellement (2015) ils peuvent
difficilement représenter les phénomènes de taille inférieure à la dizaine de
kilomètres. Pour l'étude du climat à une échelle plus fine, outre les besoins
des modèles, il existe un besoin de créer des séries chronologiques
d'observations, en particulier des séries du type « observatoire local » très
précises et homogènes dans le temps. De plus, plusieurs variables fondamentales
du système climatique sont mal prises en compte dans les modèles (exemple :
quantité et nature des précipitations), ce qui nécessite de les étudier au
travers de séries chronologiques de mesures indépendantes des modèles. L'étude
fine de certains processus comme le cycle de l'eau peut nécessiter de
développer des systèmes d'observation co-localisés dans l'espace et le temps,
par exemple différents satellites survolant là même région à quelques minutes
d'intervalle. Voir l'exemple de « l'AQUA-Train » qui combine les mesures de
plusieurs instruments placés sur plusieurs satellites :
http://www.club...php#02131
ou encore:
http://atrain.nasa.gov/
En consultant les besoins documentées sur le web OSCAR de l'OMM pour d'autres
applications (cliquer sur « Application areas ») telles que l'hydrologie,
l'agro-météorologie, la chimie atmosphérique, on y trouve plusieurs variables
importantes pour le suivi de l'évolution climatique, certaines faisant l'objet
de modélisation plus ou moins sophistiquée, d'autres étant traitées comme des
mesures quasi-brutes. Sont ainsi répertoriés les besoins en données concernant
l'état de la végétation continentale (LAI, NDVI), le débit des rivières, les
aérosols dans l'atmosphère, les composants minoritaires de l'atmosphère et de
l'océan.
Une référence et des normes communes à tous les pays.
Le système climatique nécessitant d'être observé dans sa globalité, l'usage commun à tous les pays d'un système global de référence, est une nécessité. Pour la prévision du temps, une tradition d'échange libre et gratuit entre états des observations essentielles (effectuées selon des normes et des références communes) s'est mise en place de longue date sous l'égide de l'OMM et a pris la forme du programme de Veille Météorologique Mondiale (VMM ; WWW = World Weather Watch en anglais). L'avènement des satellites, il y a presque 60 ans, a ouvert la voie à des couvertures en observation globales et répétitives et a favorisé cette coopération et ce partage des observations.
Sur le web de Météo-France, on trouve ainsi la distribution spatiale de tous les types d'observation servant à alimenter en temps réel et en continu les modèles globaux de prévision du temps :
http://www.-meteo.fr-/special...html
Cliquer sur «Data coverage maps», puis balayer les différents types
d'observation dans la colonne de gauche. Observations conventionnelles et
observations satellitaires font l'objet d'échanges mondiaux rapides entre
services météorologiques (de l'ordre de l'heure comme délai de transmission),
ce qui implique des normes pour effectuer les mesures (par exemple altitude de
toutes les stations terrestres référencées par rapport au même géoïde), pour
les échantillonner et les contrôler avant transmission.
Outre les satellites météorologiques opérationnels (que la communauté spatiale
essaie de renouveler régulièrement), il existe des missions satellitaires
expérimentales qui font l'objet de recherche et dont les observations sont
parfois transmises en temps réel et peuvent être assimilées dans les modèles de
prévision opérationnels.
Voir par exemple la mission franco-indienne Megha-Tropiques visant à étudier la dynamique du climat dans les tropiques, en particulier les processus liés au cycle de l'eau :
http://smsc.cnes.fr/MEGHAT/Fr/
http://www.club...news2011.php#12111
Ce type d'échange a été aussi stimulé depuis la fin du XXe siècle pour les observations climatiques, lorsque l'influence humaine sur l'évolution du climat est devenue évidente, impliquant la nécessité d'assurer un suivi détaillé de cette évolution à toutes les échelles spatio-temporelles.
Variables climatiques essentielles.
Certaines variables climatiques font l'objet de mesures depuis plusieurs
siècles (pression et température atmosphériques près du sol par exemple) tandis
que d'autres sont observées à titre expérimental depuis quelques années
seulement, sans qu'on soit assuré que leur observation puisse être pérennisée.
La communauté scientifique internationale a défini une liste de plusieurs
dizaines de variables essentielles à la caractérisation du système climatique
(«ECV» : Essential Climate Variables) pour lesquelles elle s'efforce
de pérenniser les systèmes d'observation permettant de les obtenir. Cette liste
comprend d'abord les variables d'état local des fluides atmosphérique et
océanique (celles dont l'évolution temporelle est directement décrite par les
équations des modèles numériques) : vent atmosphérique, courant océanique,
température, humidité de l'air, salinité de l'océan, pression atmosphérique,
hauteur de l'océan... Elle contient aussi les flux d'énergie ou de matière
entre différentes composantes du système climatique (atmosphère, océan,
cryosphère, surface continentale) qui sont fondamentaux pour la surveillance de
l'évolution du climat. Plusieurs variables physiques de ce type ne sont pas
directement accessibles par des mesures. Elles sont estimées indirectement à
partir d'autres observations, via des traitements comme l'assimilation, mais la
précision de cette estimation doit être assurée par le système mondial
d'observation.
La communauté internationale a développé un plan de mise en œuvre (échéance
2025) pour que soit assuré le suivi des variables climatiques essentielles à
travers la pérennisation de moyens d'observation existants, ou encore le
développement de nouveaux instruments, systèmes d'observation ou missions
satellitaires.
Voir ce plan sur le site de l'OMM :
http://www.wmo.int...pdf
Pour l'observation de l'océan, l'Europe s'est aussi organisée afin de mutualiser et optimiser les moyens et faciliter l'océanographie opérationnelle. Voir la news consacrée à «ERIC» sous :
http://www.club/news2014...php#09141
… ou encore
http://www.mercator-ocean.fr/fre/
Quelques exemples de systèmes d'observation.
C'est seulement vers le milieu du XIXe siècle que la notion de réseau
d'observation est apparue en Europe. Le premier but était alors d'assurer le
suivi des phénomènes météorologiques dangereux (exemple : tempêtes). Vers la
fin du même siècle un embryon de service météorologique gérant un réseau
d'observation sur terre existait dans la plupart des pays. Ces réseaux étaient
d'abord limités à des observations météorologiques près de la surface du sol,
avant de s'étendre à l'altitude par le développement au XXe siècle d'un réseau
mondial de stations de radiosondages (ballons-sondes emportant des instruments
dans l'atmosphère jusque vers 20 ou 30 km d'altitude). Ils se sont développés
aussi sur mer : développement de stations météorologiques mobiles, embarquées
sur des navires. Les dernières décennies du XXe siècle ont vu un développement
continu des mesures effectuées à partir des avions commerciaux (température et
vent surtout). Les données d'avion sont maintenant aussi importantes que les
radiosondages pour observer la troposphère dans l'optique de la prévision du
temps. Pour l'observation de l'atmosphère en surface sur l'océan, les
instruments embarqués sur les navires sont maintenant complétés par des bouées
(fixes ou dérivantes). Les bouées sont souvent instrumentées pour observer à la
fois l'atmosphère et l'océan superficiel (par exemple pour mesurer pression
atmosphérique, température et salinité de la surface de l'océan). Sur terre,
ces systèmes d'observation (tous «in-situ») sont complétées par des systèmes
utilisant la télédétection : réseau de radars météorologiques, profileurs
(radars ou lidars) mesurant le vent à partir de la surface. La télédétection (à
partir de la surface terrestre) permet d'observer localement en continu (ou à
de petites échelles de temps), ce qui est particulièrement utile en cas de
phénomènes météorologiques dangereux (lignes de grain, violents orages).
L'arrivée des premiers satellites météorologiques (dans les années 1960)
représente une petite révolution dans le domaine de la prévision du temps du
fait de leur capacité à échantillonner l'ensemble du globe par divers
instruments et donc à combler certaines lacunes dans les réseaux conventionnels
(déserts, océans, etc...). Il existe deux grands types de satellites
météorologiques qui ont maintenant atteint le stade opérationnel : les
satellites géostationnaires et les satellites à orbite polaire héliosynchrones.
Ils sont surtout équipés de radiomètres imageurs ou sondeurs dans les longueurs
d'onde visibles, infrarouges ou micro-ondes. Il existe aussi sur plusieurs
satellites des radars diffusiométriques observant la surface terrestre, donc
apportant de l'information à la fois sur la surface et l'atmosphère. Certains
satellites sont équipés de récepteurs permettant d'utiliser le système de
navigation GNSS pour
extraire de l'information sur la température et l'humidité atmosphérique. D'une
manière générale l'observation du système climatique dans son ensemble tend à
bénéficier d'une palette de plus en plus diverse d'instruments satellitaires
conçus pour plusieurs disciplines des sciences de l'environnement :
météorologie, océanographie, hydrologie, physique du globe, astrophysique. Le
web OSCAR de l'OMM
fournit une sorte d'encyclopédie répertoriant les différents instruments (que
des acronymes barbares!) et les différents satellites par un logiciel
interactif très convivial.
Voir :
http://www.wmo-sat.info/oscar/spacecapabilities
Des lacunes dans l'observation globale du système climatique.
En comparant les besoins en observation du système climatique avec les observations réellement disponibles (conventionnelles comme satellitaires), la communauté scientifique internationale chargée du suivi de l'évolution du climat fait une analyse régulière des lacunes en matière d'observation, et fait des recommandations pour développer de nouveaux systèmes d'observation (ou pour maintenir ceux existants). C'est l'objet des plans de mise en œuvre de l'OMM tels que celui cité précédemment :
… qui par exemple (dans le domaine de la diffusiométrie et de l'altimétrie) recommande pour observer la surface de l'océan de développer et maintenir en permanence :
«au moins deux satellites équipés de diffusiomètres et tournant sur des orbites distinctes» ;
«une mission altimétrique de référence haute précision tournant sur une orbite inclinée non-héliosynchrone, plus deux autres satellites équipés d'altimètres et tournant sur deux orbites distinctes».
Pour la détermination des variables climatiques essentielles servant à la modélisation, les systèmes d'observation in-situ présentent à l'échelle du globe d'énormes lacunes par nature car ils ne peuvent guère être déployés que sur les zones habitées. Les systèmes spatiaux d'observation compensent cette lacune géographique, mais il reste beaucoup de variables que les instruments spatiaux ne savent pas observer ni directement ni indirectement. Citons les 2 ou 3 lacunes majeures (que les chercheurs s'efforcent de combler).
Du fait de l'opacité de l'océan au rayonnement électromagnétique, aucun instrument satellitaire ne peut observer les couches profondes de l'océan ; seules des observation in-situ tels que les «flotteurs Argo» permettent de caractériser le profil vertical de température, salinité, courant, et seulement jusque vers 4km de profondeur. Dans un modèle océanique, l'assimilation de données opère dans un contexte où les observations de surface sont nombreuses et les observations profondes très rares. Heureusement les techniques modernes d'assimilation permettent de propager dans une certaine mesure l'information observée depuis la surface de l'océan vers le fond.
Dans l'atmosphère, il n'existe aucun système d'observation satellitaire permettant d'observer des profils verticaux de vent, alors que le cisaillement vertical de vent est important pour caractériser la dynamique des jets ou des tempêtes. Seuls, des systèmes opérés à partir du sol (comme la radiosonde) permettent d'obtenir de tels profils. La mission de l'ESA (Agence spatiale européenne) AEOLUS permettra peut-être de démontrer la faisabilité de l'observation du vent (y compris sa structure verticale) au moyen d'un lidar embarqué. En attendant les observations de vent depuis l'espace restent limitées à la surface des océans (où radiomètres micro-onde, diffusiomètres et altimètres contribuent indirectement à l'estimation du vent) et au sommet de certains nuages supposés transportés par le vent.
Les sondeurs satellitaires infrarouges ne peuvent pas percer les nuages, et donc ils ne sont pas utilisables pour obtenir de l'information sur la température atmosphérique dans les nuages et sous les nuages. Il reste les sondeurs micro-onde, mais leur résolution verticale est limité par rapport aux besoins. Il y a aussi les signaux de propagation GNSS qui, par la technique de «radio-occultation», fournissent une information précieuse (mais pas dans la basse troposphère). L'observation des paramètres de base de la modélisation atmosphérique reste une lacune dans les zones couvertes par les nuages.